Le ciel était de ceux qui ne présageaient rien de bon. Les nuages
masquaient le soleil qui,depuis ces derniers mois, dardait rarement des
rayons chauds et rassurants. Une journée normale en ces temps
d’inquiétude constante. Flèche se languissait quelque peu dans la cour d'une ruine abandonnée, le dos ankylosé d'avoir porté ces lourds paniers
d’osier tressé.
« Va les étendre. Ces cuirs sont à faire sécher de suite, pour le seigneur. Vite. »
Son mentor donnait toujours des ordres de façon rude, mais elle était une
femme de devoir et consciente que les temps présents forgent les
consciences. Flèche n’avait que 25 ans mais en paraissait quelques uns de
plus. Les cheveux d’un roux flamboyant, la peau ambrée perlée de quelques
taches de rousseur mutines sur le nez, elle était dotée des faveurs de
la nature, grande et mince, les regards des gardes se posaient souvent
sur elle, concupiscents. Elle jouait de ses atouts avec grâce et
parfois effronterie, son caractère était empreint de joie de vivre et
de rébellion. Elle était une jeune fille que chacun appréciait,
acceptant ces quelques petits écarts de conduite avec gentillesse,
riant même de cette facilité qu’elle avait de se tirer toujours des
maladresses qu’elle commettait.
Mais ce matin, Flèche se
sentait, non seulement fatiguée par le travail, mais aussi gênée et
mal à l’aise. Sa tête la faisait souffrir par intermittence, elle
n’avait pas bien dormi la nuit dernière. Se retournant et grommelant
dans son sommeil, elle n’avait pas réussit à trouver le repos qui
estompe les douleurs et évacue les soupirs. Du plus loin qu'elle se
souvenait, elle dormait mal, mais la nuit dernière avait été plus que
difficile, presque indescriptible. Et voilà que maintenant, elle
tentait de se débarrasser de cette migraine qui minait son moral. Mais
rien n’y faisait. Elle tentait de se concentrer sur son travail, ne
pensant à rien d’autre que son labeur. Elle avisa un massif de fleurs
près d’elle. Leur parfum était enivrant, envoûtant. Elle respira à
pleins poumons pour s’imprégner de cette agréable senteur, et oublier
le présent. Ces fleurs étaient si belles !
Étrangement, son
mal de tête se calma, elle se sentit quelque peu soulagée, mais
attribua cette trêve au hasard qui faisait parfois bien les choses.
Bien que sur les terre de Dalaran le hasard n’était qu’un mot parmi tant d’autres, plus
personne n’y croyait à ce hasard Sauf les Anciens, joueurs émérites.
Soulagée, elle reprit le panier d’osier dans ses mains et s’en alla
pour étendre le cuir délicat. Quelques solides fils étaient tendus
derrière la cour principale. Arrivée à destination, elle posa son
panier et commença à démêler les drapés de cuir, doucement, avec
délicatesse.
Son mal de tête reprit soudain, la laissant
désemparée, figée. Prête à tomber à terre, elle lâcha le drapés qu’elle
tenait, le laissant choir sur la terre souillée.
Elle enserra
sa tête entre ses mains tremblantes, ne sachant que faire pour chasser
cette douleur qui la terrassait. Elle réussit à relever quelque peu la
tête et entrevit au travers de ses larmes le massif de fleurs
odorantes. Elle les fixa tant bien que mal, beauté naturelle en ce
monde désespéré. Une fleur à peine éclose, un simple bouton de rose
attira son attention, ou du moins captura son regard assez longtemps
pour s’imprimer en son esprit. La vision de ce bouton distilla en elle
un souffle de paix, un instant d’épanouissement. Son mal de tête se
dissipa légèrement. Elle continua à fixer tant bien que mal le bouton
de fleur, l’imaginant dans son esprit, pensant qu’une fleur ne pouvait
rien ressentir, ne pouvait pas souffrir. Elle tenta d’être un bouton de
fleur, d’oublier la douleur. Elle fermait les yeux maintenant, mais
voyait dans son esprit ce qui la ferait moins souffrir. Un sentiment
l’envahit, elle ne put déterminer et puis elle s’effondra à terre, près
du panier de linge humide, le visage pâle.
Elle rouvrit
les yeux lentement. Au début, elle ne put que distinguer quelques
contours, quelques couleurs, puis sa vision se fit plus claire. Elle
était allongée sur son lit, dans sa chambre. Elle entrevit son mentor,
penchée sur elle, inquiète. Elle se réveilla petit à petit, consciente
que celle-ci discutait avec une autre personne, mais ne comprenant pas
un traitre mot de la conversation.
« Elle se réveille.
- Flèche, ma fille. Comment te sens tu ? »
Flèche peina à articuler quelques mots, sa bouche était pâteuse. Mais
déterminée et têtue comme elle l’était, elle parvint à s’exprimer.
« Je me sens fatiguée, mentor. Étrangement fatiguée.
- Te rappelles tu quelque chose ?
- Pourquoi que s’est-il passé ? »
Flèche ne gardait aucun souvenir de ce qu’il s’était passé. Le vague souvenir
d’un mal de tête insupportable fit surface dans sa mémoire mais rien de
plus. Sauf peut être une fleur, oui une fleur, belle, douce.
« Nous t’avons retrouvée évanouie dans la cour est. Pâle, si pâle… Et… »
Flèche sentit que quelque chose n’allait pas. Que sa mère lui cachait quelque chose. Quelque chose d’important.
« Qu’est ce qu’il y a Mentor? »
L’autre personne prit la parole. Flèche la reconnut, il s’agissait de la prêtresse.
« Le cuir était sec, plié… Dans le panier d’osier. Il n’a pas été déplié, Flèche.
- Nous t’avons trouvée quelques minutes après que tu soies partie. Un cri a alerté les gardes. Tu as crié. Pourquoi ? »
Flcèhe ne put dissimuler sa surprise. De vagues souvenirs refirent encore surface, oui elle se rappelait maintenant.
« Je n’ai pas plié le linge, je n’ai pas eu le temps. J’avais tant mal à la tête, si mal. J’ai du crier en tombant. »
Elle
ne comprenait pas bien ce qui lui était arrivé. Et au vu des visages
qui lui faisaient face, l’inquiétude se mêlait à l’incompréhension.
« Flèche. Ce n’est pas la première fois que cela t’arrive. Jamais cela n’a été aussi grave, jamais avant ne tu t’étais évanouie. »
« Je… J’ignore ce qu’il se passe. »
Son Mentor affecta un air inquiet. Son regard se teintait de peine. Il continua :
« Ma petit Flèche. Tu vas devoir nous quitter. Il te faut aller en Kalimdor.
- Kalindor? Mais… »
Son Mentor afficha un visage déterminé. Le Mentor redevenait ce qu’il avait toujours été. Un homme de devoir.
«
Oui, Flèche. Le seigneur des temps anciens est au courant et a déjà envoyé un
message à la milice. Tu pars demain. Tu seras escortée par un garde.
Une jeune fille de ton âge, doit être accompagnée pour
aller à Orgrimar.»
Son Mentor quitta la
pièce, non sans lui avoir déposé un baiser sur le front. La prêtresse
suivit les pas de son Mentor, son regard triste. Flèche pleura longtemps
dans sa chambre. Son Mentor l’abandonnait. Tout s’écroulait. A force de
larmes et de soupirs, elle sombra dans un sommeil sans rêve. Du moins
n’en garda t-elle aucun souvenirs.
Le lendemain matin, elle se
leva avec le soleil. Un brin de toilette, un dernier regard à sa
chambre et là voilà qui quittait ce qu’elle avait toujours connu. Un
foyer. Un garde attendait déjà dans la cour. Une monture pourpre l’attendait en piétinant à son coté. Ses affaires
empaquetées dans des fontes simples mais solides. Son Mentor discutait
avec le garde. Flèche s’approcha, la nuit avait effacé toute sa peine, ne
demeurait que regret. Elle sourit à son Mentor, déposa un baiser sur sa
joue, prit la lettre qu’on lui tendait, envoya en l’air milles baisers
aux personnes qui s’affairaient déjà dans la cour et monta sur sa monture, avec élégance.
En route vers de nouvelles aventures ....